Les codes de la mode balnéaire

Sur la plage comme à la ville, la mode balnéaire ne répond pas seulement à des impératifs utilitaires.

"Ainsi s’est constituée la sémiologie du vêtement qui permet, grâce à la psychologie, de pouvoir déterminer le sens des diverses combinaisons personnelles. Car tout ce que nous faisons a un sens, même si nous n’en sommes pas pleinement conscient en le faisant. On arrive de plus à comprendre le sens même de l’histoire en étudiant l’évolution des formes des vêtements. La mode n’est donc pas une futilité. Sous une  apparence gratuite le vêtement et la mode sont déterminés par l’évolution des forces sociales et des techniques."
                                                    
Marc-Alain Descamps (Psychosociologie de la mode 1979)
 

Bandeau vetements

Pour chaque époque de la station balnéaire, un mannequin de vitrine illustrera la mode vestimentaire en vogue.

 

1900   A plage comme à la ville

 Natation 2 1

"Le XIXe est le siècle de la pudibonderie alors on ne se pointe pas sur la plage en monokini, cela va de soi. Mais on ne choisit pas non plus son?costume de natation qui, comme le costume de ville, doit répondre à tout un tas de critères de bienséance. À l’époque, c’est à chaque municipalité que revient la lourde charge de veiller au respect de la pudeur sur ses plages. Dans un arrêté municipal du 24 juillet 1857, le maire d’Arcachon rappelle le port de la tenue réglementaire pour la baignade?: «?Article I?: il est défendu de se baigner sans être revêtu, à savoir?: les hommes, d’un costume entier couvrant le corps depuis le cou jusqu’aux talons, ou d’un large pantalon et d’une chemisette?; les femmes d’une robe prenant également au cou et descendant jusqu’aux talons, ou bien d’une robe courte mais avec pantalon. Les étoffes des costumes de bain, excepté celle de la chemisette, tolérée pour les hommes, devront être de couleur foncée…?»«?Pour les hommes, les caleçons, ou mieux les gilets-caleçons de tricot avec ou sans manches, espèces de maillots ou justaucorps tout d’une pièce, suffisent. Très-léger et très-commode pour les hommes, ce vêtement a l’inconvénient d’accuser trop les formes, et ne peut par conséquent être le vêtement de bain de la femme.?» Pensez-vous?! Un costume «?très-commode?». Pour une femme?? Ce serait un peu trop facile… Non, «?Pour celle-ci, le costume complet se compose d’un pantalon, d’une blouse ou tunique, d’une ceinture, d’une pelisse, et accessoirement de chaussons, d’un peignoir et d’une coiffure appropriée.?» La «?coiffure appropriée?» consistant à l’époque en un bonnet de toile cirée ou de caoutchouc du plus bel effet, pour ne pas être «?en cheveux?» comme une vilaine petite sauvageonne."guide des bains de mer de 1870
On se déshabille et on se rhabille dans des cabines de plage en bois (à la location assez coûteuse) ou des tentes bains de mer rayées (pour les portefeuilles plus modestes) qui sont disposées le long de la plage.(Source Histoire de la trempette [1/2] : Les premiers bains de mer ou la genèse d’un scandale Savoirs d'histoire


1920  Présenter le corps au soleil

Carte postale ancienne 17 chatelaillon baigneuse

"Les années 1920 — que l’on n’a pas appelées les Années folles pour des prunes — marquent une rupture radicale avec les mœurs et usages bourgeois du siècle précédent. Après des années de guerre et de restriction, les gens ont besoin de souffler, de relâcher la pression, de s’amuser un peu et, bien évidemment, les codes traditionnels s’en trouvent bouleversés. Dans ce contexte, aller à la mer est devenu une véritable mode et une attraction touristique pour qui peut s’offrir quelques semaines de vacances au bord du littoral. On ne s’y rend plus pour soigner une fluxion de poitrine ou une crise de mélancolie mais bien pour prendre du bon temps.
Dès les beaux jours, les villes d’eaux sont prises d’assaut par les badauds du coin et par des nuées de vacanciers fortunés qui, à peine arrivés par voie de chemin de fer, se ruent sur les plages. Ce sont les débuts du tourisme balnéaire et, quand on en a les moyens, il n’est pas rare de partir s’aérer la tête en fin de semaine en prenant un des «?trains de plaisir?» qui quittent Paris le vendredi soir et ramènent leurs passagers le dimanche en fin de journée."Les années 1920 — que l’on n’a pas appelées les Années folles pour des prunes — marquent une rupture radicale avec les mœurs et usages bourgeois du siècle précédent. Après des années de guerre et de restriction, les gens ont besoin de souffler, de relâcher la pression, de s’amuser un peu et, bien évidemment, les codes traditionnels s’en trouvent bouleversés. Dans ce contexte, aller à la mer est devenu une véritable mode et une attraction touristique pour qui peut s’offrir quelques semaines de vacances au bord du littoral. On ne s’y rend plus pour soigner une fluxion de poitrine ou une crise de mélancolie mais bien pour prendre du bon temps. Dès les beaux jours, les villes d’eaux sont prises d’assaut par les badauds du coin et par des nuées de vacanciers fortunés qui, à peine arrivés par voie de chemin de fer, se ruent sur les plages. Ce sont les débuts du tourisme balnéaire et, quand on en a les moyens, il n’est pas rare de partir s’aérer la tête en fin de semaine en prenant un des «?trains de plaisir?» qui quittent Paris le vendredi soir et ramènent leurs passagers le dimanche en fin de journée.La femme, qui a maintes fois prouvé sa valeur et sa hardiesse pendant la guerre, poursuit son émancipation. Son corps se libère, le costume féminin s’allège et apparaît la fière figure de la garçonne. Qui dit plus de corset à la ville dit plus de corset à la plage, et si le costume féminin se dépouille peu à peu de tous ses ornements, le costume de plage, lui aussi, rétrécit drastiquement pour s’adapter aux nouvelles pratiques balnéaires, plus sportives qu’auparavant. Oui?! Finies les dix minutes de trempette réglementaires?! Désormais on se plaît à barboter dans l’eau et même à nager. " (Source Histoire de la trempette [2/2] : Les premiers bains de mer ou la genèse d’un scandale Savoirs d'histoire. Coco Chanel lance la mode du teint hâlé (bronzage), ce qui permet de dénuder bras, jambes et épaules3.

 

1936  Les congés payés : entre liberté et rigorisme

"Point de départ du tourisme populaire, 1936 restera à tout jamais le symbole des « premières vacances au bord de la mer ». La toute nouvelle industrie balnéaire n’ayant pas eu assez de temps pour s’adapter à cette soudaine demande, les femmes se baignent aussi bien en maillot une pièce en laine des décennies passées qu’en maillot en coton, de confection ou « fait maison », sans oublier le rare deux-pièces encore très chaste qui vient de faire son apparition"(Source : BIKINI Légende : 80 ans de congés payés et de mode balnéaire 2016).

Depuis le début des années 30, il y avait une tendance au rétrécissement du tissu des maillots de bain. On dénudait le dos, on échancrait sur les hanches, on descendait les bretelles dès que possible, même le ventre commençait à voir le jour par les deux côtés du maillot." Les maillots féminins deviennent de plus en plus échancrés pour optimiser les bains de soleil et éviter le bronzage vulgairement qualifié de «?paysan?». Pour les mêmes raisons, les hommes ont tendance, eux-aussi, à tomber les bretelles pour raccourcir leurs maillots au-dessous du nombril et pouvoir dans le même temps offrir à la contemplation des demoiselles toute leur virilité.

1936 un des premiers maillots de bain 2 piecesSur le rivage il y a désormais deux clans?: ceux qui, épris de liberté, jouissent des plaisirs de la mer sans entrave et s’ébrouent sur le sable comme de jeunes chiens fous au milieu de créatures à demi nues… et les autres. Les autres ce sont ces messieurs, l’air grave, qui ne peuvent dissimuler sous leurs moustaches retroussées une moue d’indignation, ou encore ces vieilles demoiselles prudes, les bras croisés sur la poitrine, incapables de quitter leur posture hiératique. Sont-ils au fond jaloux ou envieux d’une telle légèreté d’allure alors que «?de leur temps?» ils avaient dû se résigner à porter le terrible accoutrement imposé au siècle précédent?? Toujours est-il qu’ils éprouvent le besoin de maugréer, de protester contre ces gens de peu de vertu.
À La Rochelle désormais «?Il est interdit à toute personne de se baigner, de circuler ou de s’exposer sur la plage, même sous prétexte de cure d’héliothérapie, sans être revêtue d’un costume de bain complet, c’est-à-dire couvrant le torse, le bassin et la partie haute des membres inférieurs?» (Article 2, arrêté municipal, La Rochelle, juillet 1934).

Mais face à un tel retour du rigorisme les vacanciers se plaignent. Le contrôle des mœurs balnéaires va trop loin et ruine la coexistence pacifique sur les plages au point que cette lutte acharnée contre les «?indécences de plage?» finit par échouer. Enfin, c’est l’État qui met un point final à ces batailles de plage d’entre-deux-guerres en légiférant?: «?les dénudations balnéaires sont une affaire de goût personnel et de conscience individuelle?; et pour peu qu’elles ne viennent pas ostensiblement troubler l’ordre public, leur existence doit être garantie, dans toutes ses réalisations possibles » (source Christophe Granger, «?Batailles de plage. Nudité et pudeur dans l’entre-deux-guerres?», Rives nord-méditerranéennes, 30, 2008.Christophe Granger, «?Batailles de plage. Nudité et pudeur dans l’entre-deux-guerres?», Rives nord-méditerranéennes, 30, 2008.)

"Pour les quelques centaines de milliers de travailleurs/ vacanciers qui auront la chance d’aller à la mer grâce aux congés payés, 1936 sera l’année de la découverte. N’ayant eu ni le temps ni les moyens de préparer leurs vacances, ils iront majoritairement à la plage en costume d’été, les femmes en maillots de bain étant peu nombreuses. Celles qui auront la chance d’avoir un maillot, souvent se le feront prêter par une amie plus fortunée." En 1937, ils seront 1 800 000 à prendre le train pour aller en vacances, dont près de 800 000 prendront la direction des plages. Ils iront aussi à la mer en car, en auto, quelque fois à pied, mais le plus souvent c’est à vélo qu’ils se rendront vers les stations balnéaires.

1947  Le Bikini , "la première bombe anatomique"

Micheline bernardini en 1946 wikipedia

Après le deux-pièces dénommé Atome, inventé par le couturier Jacques Heim en 1932, l’après-guerre voit l’apparition d’une variante nettement moins couvrante : le bikini est lancé le 5 juillet 1946 par un autre Français, Louis Réard, qui se présente comme ingénieur automobile et veut permettre aux femmes de bronzer plus facilement.
Le 1er juillet 1946, les Américains ont procédé à un essai nucléaire sur l’atoll de… Bikini, dans le Pacifique, à la une de tous les journaux. Pour sa présentation officielle à la piscine Molitor, à Paris, Louis Réard embauche une stripteaseuse du Casino de Paris. Le créateur a le sens de la formule. Il commercialise le modèle avec le slogan : Le bikini, la première bombe anatomique. » 

Le bikini, défini comme « plus petit que le plus petit des maillots du monde », a été difficilement accepté par les autorités morales et religieuses de l'époque. Pour souligner à quel point le nouveau maillot comportait peu de tissu, il était vendu contenu dans une boîte d'allumettes. Il n'obtient pas à sa création un véritable succès ; c'est un choc culturel et le sulfureux maillot de bain est même interdit sur certaines plages en Europe. Ainsi, au début, il est interdit (1949) en Italie, Belgique, Espagne et France où les préfectures le prohibent sur la côte Atlantique mais l’autorisent sur la Méditerranée. Il fallut attendre un second lancement au début des années 1960 pour qu'il soit adopté par les stars de cinéma et devienne synonyme de séduction et de sex-appeal, gagnant progressivement en popularité et constituant un des plus grands phénomènes de mode. En 1956, Brigitte Bardot le rend populaire dans le film Et Dieu… créa la femme dans lequel elle le portait en toile vichy. Beaucoup de jeunes filles françaises l'imitent. Une chanson à succès lui fut même consacrée "Itsy Bitsy Teenie Weenie Yellow Polka Dot Bikini" de Brian Hyland, reprise en français par Dalida ainsi que par Brigitte Bardot et Richard Anthony : "Itsi bitsi, petit Bikini".


Le premier bikini de l’histoire présenté en 1946 à la piscine Molitor par Micheline Bernardin                                                

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1960

 

Annees 60 bikini

 

 

"Dans les sixties, le bikini devient la coqueluche des starlettes et de la jeunesse dorée, mais n’est pas encore de mise sur les plages familiales. Brigitte Bardot est la première actrice à s’afficher au cinéma en bikini en 1953 et, aux Etats-Unis, il faudra attendre 1962 qu’Ursula Andress démocratise cette nouvelle pièce dans le film « James Bond contre Dr No », pour que le bikini rentre dans les mœurs. Après 1968, les mentalités changent et le bikini fait aussi sa révolution. Il perd son côté glamour, le soutien-gorge balconnet se transforme en soutien-gorge triangle, qui correspond plus aux critères de la femme libérée.Le bikini a enfin trouvé son style définitif et sera porté de manière identique tout au long des décennies suivantes." (Source : BIKINI Légende : 80 ans de congés payés et de mode balnéaire 2016)